Selon cet article de BBC NEWS du 16 mars 2006 et d'autres article de presse, les époux Martinot ont finalement été incinérés, ce qui met un terme à l'affaire.
Rémy Martinot a expliqué que la température de la crypte où les corps étaient conservés était montée de -65° à -20° suite à un incident technique et à la défaillance de l'alarme correspondante, et que dès lors il n'était plus raisonnable de poursuivre "l'expérience" (pour reprendre le terme de Raymond Martinot).
"Je n'ai pas plus de peine aujourd'hui qu'au moment du décès de mes parents. Le travail de deuil a été accompli. Mais je suis amer de ne pas avoir pu respecter la volonté de mon père", a confié Rémy Martinot. "Peut-être que l'avenir montrera que mon père avait raison et qu'il était un pionnier", conclut-il (Figaro/AFP).
On peut avoir l'impression que le fait de préserver un espoir de son vivant (espoir de survie, et de retrouvailles avec sa femme bien-aimée) importait plus à Raymond Martinot que le devenir réel de son corps après sa mort : une attitude légèrement schizophrénique peut-être mais qui en vaut bien une autre dans la grande tradition humaine de ruses avec la mort.
Si ça n'était pas le cas, en effet, il aurait fallu prendre d'autres dispositions plus sûres, notamment le transport des corps dans un pays à la législation plus compatible avec le projet.
Il ne faut pas négliger non plus, comme il le suggère dans l'entretien accordé à la télévision anglaise (lien ci-dessous), son intention éducative : ouvrir par son exemple un chemin de réflexion, faire ce premier essai sans illusions sur son issue, parce qu'il faut bien commencer quelque part.
Dans ces conditions, la responsabilité confiée à Rémy Martinot apparaît comme quelque peu abusive, et celui-ci aura au final montré un courage et une fidélité qui l'honorent dans une situation difficile, entre son deuil, la défense d'une conception paradoxale qui ne lui était pas propre, le zèle intransigeant de l'administration et un traitement médiatique pas toujours à la hauteur (article du Nouvel Observateur de février 2002 intitulé "Papa et maman sont dans la glace : Les givrés de la chambre froide", avec cette conclusion pleine d'esprit : "Alors, d'accord pour être le prochain con... gelé ?").
Pour nous, la démarche de Raymond Martinot nous rappelle que notre propre mort, aussi difficile à appréhender que cela puisse être dans le cadre de nos repères culturels, pourrait bien être elle aussi, un jour ou l'autre, par un moyen ou par un autre, à la portée du sublime et calamiteux prométhéisme occidental.
On gardera aussi le souvenir joyeux du médecin de Nueil-sur-Layon, châtelain du Preuil, intelligent, idéaliste, sentimental et courageux.
À voir ou à revoir : Entretien du Dr Raymond Martinot avec la télévision anglaise.
L'ensemble du dossier sur le développement de l'affaire : L'affaire Martinot
Retour sur la cryonie et l'affaire Martinot. Comme nous le prévoyions, la défense adoptée (liberté de sépulture) a conduit le Conseil d'État à rendre ce vendredi une décision négative.
Le Conseil d'Etat dit non aux Martinot sur la cryonie/cryogénie
Transition publie aujourd'hui un texte important, dans une traduction originale (sans aucun doute la première en français, et vraisemblablement dans quelque langue que ce soit).
L'intelligence artificielle (la programmation d'ordinateurs pour réaliser des tâches que nous percevons comme intelligentes et non comme mécaniques) a, aussitôt que le concept en est né, suscité des attentes grandioses, à commencer par celle d'intelligences artificielles de niveau humain. L'article historique de Turing, "Computing Machinery and Intelligence", écrit en 1950, en témoigne.
Il y a beaucoup de choses à dire sur l'histoire de l'IA dans la deuxième partie du 20e siècle, qui expliqueraient pourquoi et comment elle n'a pas répondu à ces attentes grandioses, mais une seule suffira ici. La capacité de calcul brute d'un cerveau humain semble pouvoir être estimée à 10^17 opérations par seconde. Or les capacités de calcul dont a disposé l'IA jusqu'ici sont, relativement à la capacité humaine, dérisoires. Et c'est de fait encore le cas aujourd'hui.
Pour combien de temps ? La capacité de calcul d'origine artificielle augmente depuis la création des premiers ordinateurs, et elle augmente même rapidement. Plus précisément, elle augmente exponentiellement, et plus précisément encore, elle double tous les deux ans. Votre ordinateur 600 MHz était un ordinateur de millieu de gamme quand vous l'avez acheté en 2000. Mais 2 ans plus tard, en 2002, le milieu de gamme était à 1,2 GHz (= 2 x 600 MHz). Et 2 ans plus tard, c'est-à-dire aujourd'hui, le milieu de gamme est à 2,4 GHz, soit une fréquence d'horloge quatre fois supérieure à votre ordinateur de 2000, qui est pour cette raison devenu obsolète.
Ce taux de progression est remarquablement stable. On peut même prolonger la courbe vers le passé au-delà des années 60 jusqu'au début du siècle, et ce qu'on obtient correspond aux performances des machines de traitement symbolique mécaniques disponibles à l'époque.
Que se passe-t-il si on prolonge cette courbe, non vers le passé, mais vers l'avenir ? Dans combien d'années atteint-on l'équivalence humaine, le moment où un ordinateur aura, indépendamment de son logiciel, la même capacité brute qu'un cerveau humain ? 1000 ans ? Un million d'années ? En fait, on atteint cette équivalence dans 17 ans, en 2021.
On peut en outre spéculer que, lorsque cette équivalence est atteinte, très rapidement l'intelligence artificielle passe très loin au-delà du niveau d'équivalence.
L'objet du texte que nous publions aujourd'hui est d'annoncer cela, de justifier cette annonce, d'essayer de décrire ce qui se passe alors, de reconnaître que ça ne peut pas être décrit, d'essayer d'en donner une idée quand même, et d'en tirer des conséquences pratiques. Son auteur en a rédigé la version initiale en 1996, à l'âge de 17 ans.
Nous avons un nouveau document concernant la cryonie sur le site (merci à Catarina Lamm pour la traduction), Les procédures d'Alcor, qui décrit précisément les procédures médicales appliquées par Alcor au moment d'une intervention cryonique :
Nouveau sur Transition :
(1) Nouveaux textes
D'une part, sans avoir suivi un rythme de développement aussi soutenu que nous aurions voulu, nous avons néanmoins mis en ligne différents nouveaux textes, qui sont autant de « visions », exprimant chacune une perspective générale sur notre avenir et une attitude vis-à-vis de celui-ci et du développement technologique :
(a)
La Société industrielle et son avenir, par Théodore Kaczynski
Ce texte, malgré son statut très particulier dû aux conditions de sa publication et à la trajectoire de son auteur, peut être considéré comme un "classique contemporain" de la réflexion sur l'avenir. Il est publié en intégralité, en traduction française et en version originale anglaise, sur Transition (avec des liens, paragraphe par paragraphe, de l'un à l'autre, permettant de consulter le texte original si la traduction semble curieuse ici ou là).
Le texte exprime un pessimisme radical face au développement technologique, et annonce, sous l'effet de ce développement, une transformation inéluctable de la société, pour le pire, au point que la vie des individus perdra toute dignité, par perte progressive de liberté et aliénation.
Son auteur, qui s'est signalé par des attentats contre des professeurs d'université enseignant des domaines techniques, lui-même ancien professeur assistant en mathématiques de l'université de Berkeley (Californie), est emprisonné depuis son arrestation en 1996, sans doute pour le reste de ses jours.
Malgré ces circonstances biographiques, malgré que le texte ait une dimension d'appel aux armes pour la destruction de notre société, le texte mérite à mon avis l'attention de celui qui essaie de réfléchir à l'avenir. Il est par ailleurs bien écrit et c'est une lecture stimulante. La vérité n'a rien à voir avec les intentions de ceux qui s'expriment, qu'elles soient positives ou négatives, et les arguments de Kaczynski (largement inspirés par un désir de vengeance qu'il reconnaît) doivent être considérés rationnellement, et acceptés ou rejetés pour de bonnes raisons.
On ne s'apesantit pas davantage ici sur le contexte biographique, mais une recherche dans Google sur Kaczynski ou Unabomber (le nom donné à l'auteur des attentats par le FBI avant qu'on l'ait identifié) permettra de répondre à toute les curiosités possibles.
Opposé polaire du précédent, ce texte présente la vision optimiste de Max More, fondateur du mouvement extropien.
Intelligents, pragmatiques, sauvagement optimistes, suscitant une dérision qui ne les trouble pas, les Extropiens sont un groupe américain qui se projette dans l'avenir muni de ces sept visions et attitudes : Progrès perpétuel - Transformation de soi - Optimisme pratique - Technologie intelligente - Société ouverte - Auto-orientation - Pensée rationnelle
Le collectif Mutant ne porte ni le pessimisme et la destruction de Kaczynski, ni l'optimisme et la responsabilité des Extropiens. Ils expriment leur lassitude d'une société française obsédée du principe de précaution, et qui menace d'empêcher les individus qui le souhaitent de faire leur profit des avancées techniques nouvellement disponibles. Ils revendiquent une forme d'irresponsabilité, et n'ont pas pour vocation de rallier le plus grand nombre à leur cause, mais plutôt de ne pas se laisser entraver dans leurs aspirations (ce qu'ils se proposent de faire avec ou sans la bénédiction des uns et des autres).
(2) L'affaire Martinot
Nous avions évoqué la cryonie au commencement du site, par une série de textes maintenant accessibles depuis la page :
http://dtext.com/transition/cryonie.html
Ceci était lié à l'actualité des époux Martinot, placés en suspension cryonique par leur fils dans un cadre purement privé, et que l'administration française tient à enterrer de force.
On reprend le fil de l'affaire tandis qu'un nouvel arrêt vient d'être rendu au mois de juillet 2003 : la cour administrative d'appel de Nantes s'est prononcé sur l'appel fait par Rémy Martinot, pour le rejeter, confirmant que la cryonie n'est pas un mode de sépulture légal (l'avocat Me Fouquet avait en effet plaidé dans ce sens, à savoir la liberté de cryonie au nom de la liberté de sépulture).
Il ne reste plus qu'un recours au niveau français : le recours en cassation auprès du Conseil d'Etat.
Une page a été créée pour suivre l'actualité de cette situation, servir de pont pour des contacts à ce sujet, et mettre en commun d'éventuelles suggestions. Dans son état actuel, la page décrit notamment en quoi consiste un recours auprès du Conseil d'Etat, présente un arrêt similaire (négatif) rendu l'an dernier par le Conseil d'Etat, propose une analyse et des suggestions quant à la défense appropriée.
http://dtext.com/transition/martinot
"Transition" est le nom finalement choisi pour le site web initialement baptisé "Evolution". Les inscrits à la liste de diffusion evolution ont été silencieusement basculés sur la nouvelle liste.
Si "l'évolution" biologique de l'espèce humaine par sélection naturelle est un concept-clé dans la réflexion à laquelle nous souhaitons faire place, la partie prospective de cette réflexion ne concerne pas une poursuite de CETTE évolution. En effet, le démarrage de l'évolution CULTURELLE, et son ACCÉLÉRATION récente (agriculture et écriture il y a quelques millénaires, invention de la science moderne il y a quelques siècles, invention puis réalisation des ordinateurs il y a quelques dizaines d'années), rend la poursuite des mécanismes lents de l'évolution génétique plus ou moins indifférente. Les transitions prévisibles, positives ("Singularité" par exemple) ou négatives (autodestruction, ou diminution des libertés et aliénation), sont trop proches et trop massives pour que l'impact de l'évolution biologique à venir puisse utilement être pris en considération à ce stade. Nous vivons un INSTANT de transition, qui est un point dans l'histoire de la vie.
La perte de pertinence de l'évolution par sélection naturelle n'est d'ailleurs pas forcément définitive. Une reproduction / procréation qui se donnerait libre cours, avec toute la puissance de technologies à venir, pourrait rétablir à terme, pour le meilleur et pour le pire, la pertinence, dans les échelles de temps humaines, d'une forme d'évolution par sélection naturelle.
Quoi qu'il en soit, prendre conscience de l'évolution comme origine, ça n'est pas embrasser l'évolution (la même évolution, selon la même logique) comme devenir ; de comment nous sommes devenus ce que nous sommes ne suit pas comment nous voulons continuer à changer. De fait (et c'est la raison principale pour laquelle le nom "Evolution" aurait été malheureux), c'est même largement CONTRE l'évolution et sa logique que nous souhaitons réaliser / orienter une TRANSITION. Nous devons certes à l'évolution notre existence même, et notre extraordinaire développement cognitif, et ce qui a été construit grâce à lui, jusqu'à ce message que je vous envoie ; mais elle est aussi responsable d'aspects de la vie qui laissent à désirer, des guerres, du vieillissement et de la mort -- responsable dans le sens où ces problèmes, cruellement ressentis par les individus, n'en sont pas du point de vue de l'évolution.
Mais nous reviendrons sur tout cela.
Pour des raisons anecdotiques (opportunité médiatique populaire, qui ne s'est d'ailleurs pas réalisée en fin de compte), le site Transition vient de démarrer avec un "dossier spécial" sur la cryonie et l'immortalité.
La cryonie consiste à préserver un corps dans son état au moment de la mort plutôt que de le laisser "retourner à la poussière", dans l'espoir que des techniques à venir puissent faire usage de cet état du corps pour rétablir un individu vivant.
Sur quoi un tel espoir repose-t-il ? La réponse courante aujourd'hui est : les nanotechnologies et la nanomédecine. On évoque des nanorobots qui iront réparer les dommages causés par la congélation / vitrification dans les cellules, et ceux causés par le vieillissement et l'affection qui a causé la mort.
Tout cela est à prendre en considération, et est évoqué dans certains des articles publiés sur le site, mais j'aimerais offrir une réflexion plus fondamentale. Un acquis décisif de la biologie est la réalisation qu'il n'existe pas de "matière vivante" distincte de la "matière inerte". Ce qui différencie le vivant de l'inerte est l'organisation de cette matière, qui est intrinsèquement la même dans les deux cas (mêmes atomes). Or l'organisation peut être capturée dans de l'information. En principe, si cette information est conservée, l'individu peut être reconstitué à partir d'elle. Les atomes qui forment son corps ne manquent pas ; il nous faut seulement savoir COMMENT ils sont organisés et placés les uns par rapport aux autres. Si nous savons cela, ça n'est plus qu'un problème technique (et énergétique) que de reconstruire l'individu en question.
Nous pouvons même supposer que cette organisation qui fait l'individu peut exister dans un autre substrat que sa chair biologique. Ou même que les parties qui nous importent dans cette organisation peuvent exister indépendament d'autres parties.
Voilà pour l'aspect théorique fondamental. Préserver l'organisation d'un corps, et notamment l'organisation cérébrale qui encode son expérience et sa personnalité, rend son rétablissement théoriquement possible ; si le corps est incinéré, par contre, ou simplement enterré, l'information est perdue, et la mort mérite cette fois pleinement son nom, étant nécessairement définitive.
Un article est aussi publié contenant une réflexion générale sur l'immortalité par David Nicholas, banquier à la City de Londres.
Une remarque en passant, sur "l'immortalité" : il nous faudra rapidement créer un nouveau mot pour ce concept, si on ne veut pas créer sans cesse de malentendus dans ces discussions. En effet, la "mortalité" de l'homme, c'est le fait qu'il est "voué à la mort", c'est-à-dire qu'il mourra nécessairement. Le concept contradictoire n'est pas celui de la vie éternelle que suggère "immortalité", mais celui de la non-nécessité de sa mort. Un être qui aurait résolu le problème de la vieillesse peut très bien mourir dans un incendie. Ainsi nous avons deux "immortalités" : celle qui s'est simplement débarrassée de la mort NÉCESSAIRE, et celle qui s'est définitivement mise à l'abri de la mort.
Je laisse ceux intéressés par cryonie et immortalité découvrir les articles publiés sur le site.
Très bientôt, la cryonie, passée au premier plan pour les raisons anecdotiques mentionnées plus haut, repassera à l'arrière-plan, tandis que nous commencerons par le commencement, établissant les bases de notre réflexion. Caveat lector : pour le dossier cryonie, la sélection des textes, l'obtention des autorisations, la traduction, la conception graphique du site et sa réalisation ont été faits en 2 jours par une seule personne. Les traductions n'ont pas encore été relues [obsolète : les traductions ont été relues et corrigées - 23 mars 03]. Le niveau visé par le site (pour ne pas parler des livres) sur ces différents plans est un peu plus élevé que celui du dossier, qui est circonstanciel.
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